2011 • Lauréat Victoire de la Musique 2006 • Nomination Django d’Or 2003 • Nomination Django d’Or 2003 • Nomination Victoire de la Musique
Jean-Philippe Viret
Quand en Novembre 1998, nous avons joué pour la première fois, j’étais loin d’imaginer que 16 ans plus tard, le 7ième album du trio verrait le jour. Et pourtant, l’essentiel était déjà là ; Certains parlent d’alchimie, d’affinité, de complicité, de complémentarité. Oui, cela est vrai sans doute, mais le plus important était et reste cette jubilation commune que l’on éprouve à jouer une musique qui nous ressemble intimement, qui suive au plus près notre évolution humaine et par conséquent artistique. C’est le propos de ce trio que de parler de lui même, de se voir vivre et murir au gré du temps sans autre projet que celui d’exister. Dès lors, la règle du jeu s’est imposée d’elle même ; Jouer nos propres compositions, développer un son commun, affirmer notre identité de groupe pour essayer de porter notre musique aussi loin que possible. «L’ineffable» célèbre tout autant cette démarche et ce parcours que cette extraordinaire faculté de la musique à exprimer l’inexprimable, cet inexprimable fécond de la vie, de la liberté et de l’amour qu’évoque si justement Vladimir Jankélévitch. Au fil des années, comme une évidence de cette persévérance, je me suis aperçu que les titres de nos premiers enregistrements formaient le début d’une phrase. Curieux de voir où celle ci nous mènerait, et séduit par l’idée que chaque disque soit le chapitre d’un livre que nous écrivons à trois, je me suis amusé à la continuer. Aujourd’hui, elle peut se lire comme suit : «Considérations : Etant donné l’indicible, autrement dit, le temps qu’il faut pour l’ineffable…»
Edouard Ferlet
Et si la musique parlait ? Elle nous dirait quelque chose de notre intimité qui serait différent pour chacun de nous, comme des secrets susurrés dans le coin de notre oreille. Lorsque je compose ou que j’improvise je me raconte des choses que je n’oserais jamais exprimer avec des paroles ou des mots. « … Les mots adéquats à de tels instants n’existent pas ; mais la musique vous berce, vous tient et vous soutient. Parce qu’elle avance avec le temps, elle nous fait avancer aussi.»* Via les répétitions, les concerts et les enregistrements, Jean-Philippe Viret, Fabrice Moreau et moi, avons gagné en complicité musicale. Cette affinité bienveillante me met à l’aise pour m’exprimer très librement, sans jugement. Grâce à cette connivence je me permets de prendre des risques qui me font faire des choses qui me dépassent et me surprennent. La musique de ce trio est étrangère aux concepts et repose simplement sur le plaisir de se découvrir soi-même et d’apprendre à nous connaître entre nous par le biais de la composition et de l’improvisation. Ecrire pour le trio me donne envie de chercher de nouveaux modes de jeux pour avancer dans ma musique, et ça me fait du bien ! «La musique est guérisseuse parce qu’elle scande le temps, nous arrachant à la fixité qui nous fascine et nous terrorise.»* Et si la musique nous parlait ?
* Extrait du livre de Nancy Huston BAD GIRL Classes de littérature, chez Actes Sud.
Fabrice Moreau
L’expérience accumulée au cours de ces années passées avec Jean-Philippe Viret et Édouard Ferlet m’a permis lors de l’enregistrement de «l’ineffable» d’oublier ce que je sais du Trio Viret pour me laisser aller sans idées préconçues à jouer cette musique si particulière comme si je l’entendais pour la première fois. Sentir les choses plutôt que de les savoir, voilà ce qui m’a animé… Un peu comme dans «l’aube» de Yeats: «Je voudrais – car tout le savoir ne vaut pas plus qu’un brin de paille – être ignorant et fantasque comme l’aube.»
David François Moreau (direction artistique)
Compositeur pour la danse contemporaine et le cinéma, c’est également une joie de diriger artistiquement la musique des autres. Il faut « s’entendre » dans leur univers. Pendant les répétitions, je me glissais au plus proche des instruments, à 20 centimètres de la contrebasse, assis à côté de la grosse caisse avec le piano dans le dos. Littéralement enveloppé par les sons provenant de toutes parts. Ce trio sonnait alors dans mes oreilles comme un gigantesque orchestre symphonique. Cette sensation m’a guidé jusqu’à la fin des enregistrements. Je souhaitais particulièrement que ce disque rappelle la musique qu’ils inventent à chaque instant en concert, une interaction intense, subtile et sauvage. Dans la régie, derrière la console, j’ai passé deux jours à danser sur leur tension rythmique, leurs échanges de pulsations et de sonorités, leur thèmes émouvants et leurs improvisations féeriques. www.davidfrancoismoreau.com